Zone inondable, du photographe Jean-Pierre Dubois

Du 24/11/2023 au 23/12/2023

J’aime me promener dans les terres qui longent son cours, ses rives, dans sa partie endiguée et contenue, dans celles aussi au-delà, comprises dans les varennes aux limites plus incertaines. Après bien des fréquentations, je comprends qu’elle se protège et qu’elle a édifié des levées pour se défendre de nos inconstances, voire de nos turpitudes. Je sais aussi que la Loire profite et court dans ces zones presque sauvages qui bordent les levées.

De là, je ne vois pas le fleuve. Il est pourtant tout proche, et même sous mes pieds. Vivant, sauvage, le fleuve est bien dans ces zones inondables qui possèdent quelques espaces jardiniers, de nombreux maraîchages, des prairies, des peupleraies et de rares constructions à usage agricole. Je pénètre dans ses plaines alluviales, celles qui baignent régulièrement.

Une végétation variée, parfois confusément entretenue, plus souvent sauvageonne, occupe ces terres de limon enrichies par l’humus produit par un jeu régulier des saisons, des crues et des décompositions de débris et de matériaux. Une vitalité aussi s’y est installée. Elle a su profiter de la ponctuation de deux temps plus calmes, celui des eaux courantes hiémales et l’autre des basses eaux estivales.

De cette forte activité, des traces, des stigmates marquent le fleuve. Ce sont des boues, des sables, des ornières, des branches brisées, du bois flotté, des touffes d’herbes agglomérées et séchées, des épis rebelles, des squelettes et des corps inanimés… Tout cela griffé, chamboulé, retourné, scarifié par de vifs et intenses remuements d’une faune bien présente et confirmée par des trous, des terriers, des fouissages, des pistes, des grattages, des rognures, des coulées, des garennes… C’est un lieu entre deux mondes, une terre que l’homme fréquente, et pareillement un territoire habité par une “nature sauvage” ; c’est finalement un lieu façonné, non indemne de pollutions, sujet à bien d’autres abandons intimes ou étrangers.

À part pour quelques chasseurs, au plus proche du fleuve, cette varenne n’a pas grand intérêt. En friche, elle semble plutôt oubliée. Ni enchantement ni magie dans cet endroit souillé qui n’est pas encore un paysage. Je suis dans cette transition, que l’on traverse juste pour rejoindre le fleuve.  De l’autre côté c’est le panorama (...)

Texte et photographie (presque) au bord de la Loire de Jean-Pierre Dubois – 03/2014